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La voiture, sanctuaire en danger de la radio…

Toutes les études et mesures d’audience le démontrent, la voiture est le lieu privilégié de l’écoute de la radio. La belle histoire a démarré au milieu des années 20 et la vraie démocratisation se situe au milieu des années 60 avec l’apparition de la Modulation de Fréquence dans ces appareils situés en général au milieu du tableau de bord. On fête donc les cinquante ans de liens forts de proximité entre le conducteur et ses passagers avec la radio AM et FM.

Bien sûr, l’écoute de la radio a subi quelques infidélités, avec l’apparition de lecteur de cassettes audio, puis de lecteur de CD. L’arrivée de prises USB dans l’habitacle a même tenté quelques amateurs au profit des fichiers installés sur son baladeur ou son téléphone. Mais la radio a toujours eu sa place de choix et son appareil de prédilection, l’autoradio !

Et si cette longue histoire d’amour se finissait ?

Depuis quelques temps, on observe dans les grands rendez-vous planétaires du monde de la radio des participants et des intervenants venus du monde de l’automobile. Que font-ils donc parmi les professionnels de la radio ?

La voiture, jusqu’à présent, pour le monde de la radio, était juste un habitable qui bénéficiait d’un accessoire à forte valeur ajoutée. Cet accessoire, d’ailleurs en général fabriqué par des fabricants spécialisés, utilisait juste un emplacement prédéterminé, un peu de câblage et une petite source d’énergie. Mais tout ceci ensuite échappait aux constructeurs qui n’avaient aucune prise sur le choix de ce qui serait écouté en roulant…

voiture connecté

Encore un paradigme qui est en train de changer avec la « voiture connectée »… ! Car, qui dit voiture connectée dit connexion et donc apparition d’au moins deux intermédiaires entre la radio et son auditeur/conducteur : d’abord le constructeur auto qui va proposer un système intégré dans son tableau de bord (exit donc le simple « autoradio ») et ensuite le Fournisseur d’Accès à Internet qui va permettre de relier celui-ci au monde connecté.

Bien sûr, dans un premier temps que nous espérons très long, il y aura toujours la possibilité sur l’écran du tableau de bord d’écouter simplement la radio en diffusion hertzienne directe (en FM ou en RNT), mais encore faudra-t’il trouver ce qui va devenir une simple fonctionnalité du tableau de bord connecté. En pour avoir déjà vu quelques modèles lors du Salon de l’Auto par exemple, la manœuvre ne sera pas aussi évidente que les choix actuels entre 6 ou 8 stations FM préprogrammées.

Un écran disponible face à soi qui permettra de faire beaucoup de choses facilement, comme lire automatiquement ses emails avec une voix de synthèse (autant de temps qui nécessitera les haut-parleurs et donc rendra impossible l’écoute d’autre chose).

Et surtout, un écran qui proposera toutes les applications mobiles et mettra facilement à disposition les sites de streaming musicaux, comme Pandora, Spotify, Deezer et les autres (il en existe actuellement plus de 400 dans le monde). Sur les modèles que j’ai déjà observés, tout ceci sera réuni sous une icône nommé « audio ». Ainsi, en effleurant cette icône, on retrouvera d’autres icônes : celles des sites des streaming musicaux, des sites de streaming radio et bien sûr, les icônes permettant d’écouter la FM analogique et la FM numérique. On le voit donc, cette « égalité de traitement » va être un incroyable booster pour les sites de streaming qui vont ainsi bénéficier d’une exposition majeure auprès de ceux qui cherchent à écouter quelque chose et qui vont certainement profiter d’un effet « découverte » loin d’être anodin.

N’oublions pas en plus que les constructeurs vont désormais avoir un vrai intérêt à détourner l’écoute de la radio FM ou de la RNT : ils seront des intermédiaires entre les services et les utilisateurs finaux. Ils seront certainement même intéressés financièrement aux abonnements souscrits et aux revenus dégagés par les sites de streaming. Comment donc ne pas imaginer que petit-à-petit, les icônes de ces sites ne prennent le dessus dans l’ergonomie générale de ce qui sera proposé spontanément aux conducteurs et passagers ? Pour ceux qui seraient septiques, au dernier RAIN Summit (Journée européenne sur la radio Internet et l’audio online) en novembre 2014 à Londres, notez que l’un des intervenants était Scott LYONS de FORD Motors Company, et son poste est « Business Development, Connected Services ».

En tout cas, il y a deux issues que le monde de la radio devrait travailler rapidement :

  • Bien faire la différence entre les programmes diffusés et ce qui est proposé par les différents sites de streaming, tout en revendiquant haut et fort la terminologie « radio ». Ne pas laisser ces sites concurrents utiliser ce mot à tout va (peut-être qu’il faudrait même demander à protéger et sanctuariser ce terme, comme l’on fait en leur temps les « boulangeries » par rapport aux « terminaux de cuisson » et autres dépositaires…)
  • Et en même temps, être référencé dans le plus de sites possibles pour être le plus présent sur les différents applications, les différentes plateformes des constructeurs, des agrégateurs, etc.

Alors, passons vite ces fêtes de fin d’année, buvons quelques coupes et délectons-nous de mets fins et agréables. Et que ce début prochain d’année soit l’occasion d’une résolution forte : défendons mieux notre merveilleux media, la Radio !

Frédéric Courtine

Pour compléter mon propos, l’article de Mark Ramsey, célèbre consultant américain et stratège radio sur le système d’infotainment de FORD :

http://www.markramseymedia.com/2014/12/what-radio-looks-like-on-fords-new-sync-3-for-2016/

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